Les Ghika et ... Patek Philippe  
 
Eugène Ghika et Ecaterina-Jeanne Keshko

     Eugène Ghika-Comănești est né à Jassy le 1er janvier 1840, dans la nuit du Nouvel An, quelques heures après son frère jumeau Dimitrie qui est inscrit le 31 décembre 1939,
     Il est le fils de Nicolae Ghika-Comănești (1798-1853), cousin germain avec Grigore V Ghika Vodă, le dernier Prince Régnant de Moldavie (1849-1856), et de Ecaterina Plagino (1820-1881), elle-même fille de Maria Ghika de la Branche Ghika-Trifești. Grand propriétaire dans la Région de Comănești, comté de Bacău, Nicolae Ghika a transmis sa fortune à ses cinq enfants.
     Sur ce domaine, Dimitrie, le frère jumeau de Eugène, a construit en 1890 le Palais Ghika de Comănești, aujourd'hui le Musée de Ethnographie (bâtisse dans le patrimoine national).
   

Dans une brochure éditée en 2002 (Comănești - histoire et tradition 1800-2002) la municipalité de Comănești publie une photo d'époque de la Tour du Palais avec les armoiries de la Famille (photo ci-contre), armoiries enlevées dans les années '50 par le régime communiste.
     En 1861 Eugène a 21 ans. Suite à un appel d'Abraham Lincoln, Eugène et son ami Nicolae Dunka (23 ans) s'engagent comme volontaires dans le 5e Régiment de l'État de New York, commandé par le colonel Iarlovsky.
     Nicolae Dunka, de la famille Dunka de Szajo apparentée par mariage à la famille Ghyka (voir son Arbre généalogique sur notre Site), est tué en 1862. Le 30 juillet 1862 Eugène envoya une lettre de condoléances à la famille, lettre publiée le 16 janvier 1863 dans le journal Buciumul de Bucarest.
     (Note généalogique: dans son ouvrage Relații între Romania și S.U.A. pînă îin 1914, Ed. Dacia, 1980, p. 171, Stelian Popescu-Boteni nous dit: "Eugen … a communiqué à la sœur et à la mère de Dunka, respectivement Constanța et Sofia, lesquelles se trouvaient à Paris, la nouvelle de la mort de Nicolae Dunka…" Selon l'Arbre généalogique de cette famille, Sofia est la tante de Nicolae et Constanța est sa fille - donc cousine germaine de Nicolae).
     Blessé sur le champ de bataille, Eugène est décoré et promu au grade de capitaine. Le 30 avril 1863, à Baton Rouge, en Louisiane, il était capitaine dans le 5e régiment de volontaires.sous le commandement du colonel Ladislas Zulawsky, et a pris part à la campagne du général de division Nathaniel Banks. En mai, il se rendit brièvement à la Nouvelle-Orléans, puis à Key West dans le golfe du Mexique. Par ordre du 6 juin 1863, il devient commandant de la Compagnie I, le 10e régiment du Corps d'Afrique, composé de recrues noires, avec un camp installé à Port Hudson. Pour des raisons familiales, le 24 décembre 1863, il demanda sa démission, qui fut acceptée le 31 décembre 1863.
     De retour en Roumanie, en 1866 Eugène Ghika est nommé par le Premier Ministre L. Catargi à constituer un corps de volontaires (télégramme du 5 juin 1866 au préfet de Botoșani). Dans l'Appel à la Jeunesse Roumaine lancé à l'occasion, on précise: "…le Gouvernememt a chargé M. Eugen Ghika de former un corps de volontaires à cheval; M. Ghika est l'homme qui a prouvé sa bravoure sous Lincoln le nouveau Washington dans la guerre de l'Amérique …"
     En 1869 il est élu Membre du Parlement pour le Comté de Bacău où il siégea jusqu'à son décès, en devenant le parlementaire le plus ancien, avec 44 années de vie parlementaire.
     Eugène est décédé le 18.XII.2013 et enterré à Comănești dans le caveau familial.
     Le mariage de Eugène Ghika a lieu à Jassy le 5 février 1883. Son épouse: Ecaterina-Jeanne Keshko, fille de Pavel Keshko, colonel en Russie, et de Pulcheria Sturdza, petite-fille de Ioniță Sturdza, Prince Régnant de Moldavie (1822-1828).
     Par son mariage avec Ecaterina-Jeanne Keshko (1883) il devient aussi le beau-frère du Roi de Serbie (marié à Nathalie Keshko, la sœur de Jeanne).
     "... Jeanne, beauté célèbre, vainement courtisée par Gabriele D'Annunzio - elle figure dans son roman Le Feu..." et avec ses deux sœurs Nathalie et Mariette "...les trois sœurs Keshko sont souvent présentées comme les trois grâces roumaines ..." (Jean Chalon, Liane de Pougy, Paris 1994, p. 148-149).
     La photo de Jeanne ci-contre (ainsi que celle de sa sœur Nathalie, plus bas) a été publiée par Rudolf Șuțu dans son livre Iașii de odinioară, vol. II, Iași, 1928, p. 54-55, où on apprend: "surnommée en intimité Bébé, était très mignonne et d'une gaieté exubérante " (les photos n'ont pas été reprises dans l'édition 2015 du livre).
     Le couple Eugène Ghika et son épouse Ecaterina-Jeanne ont quitté la Roumanie juste après leur mariage. On retrouve Ecaterina-Jeanne en Toscane à Settignano (périphérie de Florence) propriétaire de la Villa Gamberaia (1896-1925) et puis de la "Casa San Sergio" (1940-1953).
     Dans une lettre qu'il nous a adressée de Settignano le 22 mars 2008, le Père Agostino Z. nous dit:
     "Je vous écris parce-que l'histoire de notre communauté s'approche d'une façon interessante à votre grande famille.....
     …La maison mère de notre communauté (la Communauté des fils de Dieu) est une petite villa … très proche, à peu près quelques mètres, de la Villa Gambéraia, grande et prestigieuse demeure, depuis 1896 jusqu'à 1925, de la princesse Caterina Giovanna Keshko Ghika, épouse de Eugène Ghika (1840-1914).
       Elle-même soigna la réalisation du jardin à l'italienne qui fait de ce lieu l'un de plus intéressants des environs de Florence. Le dépliant qui présente Villa Gamberaia aux touristes d'aujourd'hui, donne ces brèves informations…..
…Les documents de l'archive de notre maison disent qu'en 1940 la princesse Caterina Giovanna acheta notre petite villa - l'actuelle Maison Saint Serge - et elle en demeura propriétaire jusqu'en 1953….. ….Encore, les gens les plus âgés de Settignano se souviennent très bien que la princesse Caterina Giovanna avait habité personnellement la maison, en y conduisant une vie retirée, presque monastique… Enfin, dans le petit jardin autour de la maison il y a la sépulture d'un de ses chiens, avec une plaque artistiquement historiée
…."
     Dans la même lettre le Père Agostino précise : "…La maison mère de notre communauté, située sur les belles collines de Settignano aux alentours de Florence, est une petite villa que notre père fondateur acheta vers la moitié des années ' 50 chez Madame Gladys Coletti Perucca. Il la transforma ensuite en petit monastère, dédié à Saint Serge de Radonez, protecteur de la Russie, à partir de ce jour-là elle est appelée "Casa San Sergio" (Maison Saint Serge)…"
      C'est possible que les racines russes (Keshko) de "Caterina Giovanna" aient facilité la transaction.


     Le Père Agostino nous a transmis aussi deux lettres de Elisabette Ghika (1886-1975) nièce de Jeanne Keshko Ghika. (Elisabette est la fille de Emil Ghika-Brigadier et l'épouse du diplomate Dimitrie Ghika, petit-fils de Grigore Ghika, dernier Prince Régnant de Moldavie mentionné plus haut), .
     Dans la lettre du 22 octobre 1957 elle confirme que la Maison Saint Serge a appartenu à Jeanne Ghika: "... Je viens de répondre à la charmante Gladys Colette, que j'ai eu le plaisir trop bref, mai très intense, de connaitre, par ma tante Jeanne, et qui, de son côté, m'a écrit quelques jours avant vous, au sujet de Don Divo Barsotti, et de sa fondation religieuse, installée dans la maison donnée par tante Jeanne à Gladys...."
     Don Divo Barsotti dont elle parle est le Père fondateur de la Communauté des fils de Dieu (décédé en 2006).
      Et à la fin de la lettre : "Puis-je demander à Don Divo et à vous-même de faire une petite place dans vos prières à la famille de notre cher disparu ?", (le "cher disparu" est le Monseigneur Vladimir Ghika, son beau-frère, décédé en 1954.)
      En plus des propriétés en Toscane, en 1921 Ecaterina-Jeanne Ghika posédait aussi la villa Sachino à Biarritz: dans l'autre lettre, du 20 octobre 1957, Elisabeta Ghika écrit : "…Tante Jeanne et sa sœur la Reine Nathalie nous ont fait du bien il y a 36 ans en nous offrant leur belle et grande maison avec un jardin près de Biarritz, appelée Sachino, à des conditions favorables …"
      Concernant "la Reine Nathalie" : Ecaterina-Jeanne était la cadette des trois sœurs Keshko dont fait état Jean Chalon dans l'ouvrage mentionné plus haut: Nathalie (1859-1941), Maria (1861-1935) et Ecaterina-Jeanne (1863-1953?).
      Nathalie Keshko, née à Florence en 1859, est devenue Reine en se mariant en 1875 avec le Prince Milan Obrenovic (1854-1901) devenu Roi de Serbie en 1882 (d'ailleurs son cousin de 2e degré). Leur fils Alexandre est né à Belgrade le 17 août 1876. Roi de Serbie en 1889 (sous régence jusqu'en 1894) il est assassiné le 11 juin 1903. Après son divorce (1889) Nathalie s'est retirée à Biaritz et, après l'assassinat de son fils, dans une monastère catholique, Notre Dame de Sion, à Paris.
       Dans la photo ci-contre, Nathalie avec le futur roi Alexandre lors d'une visite à Jassy.
      Marie (Mariette) Keshko, née en 1861 s'est mariée à Jassy avec le diplomate Grigore Ghika (de la branche Ghika-Brigadier). Leur fils Georges (1884-1945) a épousé à Paris le 8 juin 1910 la célèbre courtisane parisienne de l'époque, Liane de Pougy. "La tente Nathalie de Serbie est tellement furieuse, qu'elle supprime la rente qu'elle versait à son neveu" (Jean Chalon, idem, p. 153).
      Dans le même livre on apprend que ce n'est pas le cas de "tante Jeanne" qui a toujours eu des contacts avec Georges et elle l'a même aidé financièrement : "…Tante Jeanne, elle aussi, est une familière de l' "île". Ce qui explique son indulgence à l'égard de son neveu qui a eu l'audace d'épouser l'une des reines de Lesbos…" (idem, p. 329 – avec "l'île de Lesbos" l'auteur fait allusion aux mœurs de la vie mondaine du Paris du début du XXe siècle).
     En 1943, on trouve Jeanne en Suisse: "Elle a quitté l'Italie pour la Suisse. En 1943 elle s'installe également à Lausanne, à l'hôtel Alexandra d'abord, puis à l'hôtel Mirabeau". "Egalement" puisque le couple Georges et Liane y se trouvaient depuis 1937: "....de Suisse, Georges peut se rendre plus facilement en Italie, auprès de tante Jeanne qui pensionne son neveu..." (idem, p. 336). Le couple habitait l'hôtel Carlton et Georges "...n'a pour se distraire que le thé qu'il prend quotidiennement, en fin d'après-midi, avec sa tante Jeanne à l'hôtel Mirabeau..." (idem, p. 358).
      Jeanne y se trouvait encore dans cet après-midi du "10 avril 1945, ...quand Georges meurt subitement d'une hémorragie cérébrale...", chez elle, à l'hôtel Mirabeau.
      Nous n'avons trouvé aucune information concernant Jeanne après cette date (et l'hôtel Mirabeau de Lausanne n'a plus les archives d'avant les années '70).
      Il paraît que Ecaterina-Jeanne Keshko-Ghika est décédée en Suisse ou en France, en 1953 ou 1954.
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Florian BUDU - co-auteur du Site       
mars 2021          


 
 

 
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